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Quelques mois après le décès de ma fille, je me suis aperçue que vivre un deuil périnatal, ça chamboulait ma vie bien sûr, mais aussi celles des autres, que ça bousculait certaines valeurs aussi. Je ne vous amène pas dans la peine que les autres ressentaient, je vous guide plutôt vers une petite réflexion personnelle de ce que les gens pouvaient ou ne pouvaient pas supporter d’entendre.

 

D’où, toutes ces paroles qu’on a tenté de me faire taire …

– Pas dire que j’avais de la peine (c’est assez la peine, la vie continue).

– Pas dire que ma fille me manquait (tu ne l’as même pas connue, comment pourrait-elle te manquer?).

– Pas dire que chaque soir, je pleurais d’un bout à l’autre de mon voyage en train, au retour du boulot et ce, pendant plusieurs mois.

– Ne pas être frustrée et irritée à chaque fois que je voyais une femme enceinte.

– Ne surtout pas dire à personne, l’envie qui me prenait d’aller vers elle, cette femme enceinte, pour lui dire « Profites-en bien de ta grossesse, tu le sais pas, mais t’es pas à l’abri que ça finisse mal ».

– Ne surtout pas dire que j’étais jalouse des femmes enceintes non plus (c’est pas beau la jalousie et tu en feras un autre bébé un jour, c’est tout).

 

……et toutes celles qu’il me fallait supporter d’entendre, car même si toutes ces paroles partaient d’un bon sentiment et d’une bonne intention, aucune n’était facile à entendre…

– Secoue-toi, tu ne vas pas rester dans cet état toute ta vie‎.

– Ressaisis-toi, c’est pas normal d’avoir de la peine aussi longtemps, ça fait déjà six mois.

– J’ai pas eu de la peine aussi longtemps que ça quand mon grand-père est mort.

– Vas-tu continuer de parler de ta fille toute ta vie?

– Perdre un bébé, c’est pas la fin du monde. ‎Tourne la page et passe à autre chose (phrase qu’on m’a dite 4 jours après mon accouchement).

 

Et je m’arrête ici, je me censure moi-même…parce que j’en aurais assez pour écrire un livre. Quand j’ai  fini par en avoir tellement marre de cette muselière qu’on tentait de m’imposer et quand je me demandais si j’étais  en train de devenir folle à penser et dire toutes ces paroles, ôh combien scandalisantes semble-t-il, qu’est-ce que j’ai fait? Je suis allée les répéter lors d’un des nombreux café-causeries de Parents Orphelins auxquels j’ai assisté.  Et là, enfin (!!!) j’ai su que j’étais au bon endroit pour exprimer ma peine, ma colère, ma frustration, mon désespoir, sans muselière, sans censure, sans jugement.

 

Chez Parents Orphelins, on m’a accueillie dans toutes mes émotions, on m’a permis de déposer toute ma peine et ces paroles scandalisantes, sans qu’elles ne scandalisent personne justement. Enfin, j’avais la latitude de m’exprimer. Encore mieux, j’ai entendu d’autres parents dirent des phrases qui m’ont presque scandalisé moi-même. Oui, j’étais vraiment au bon endroit.
Alors, quand il y en a marre de ne pouvoir s’exprimer, de se sentir  brimé ou censuré dans ce qu’on vit, aller vers ceux qui sont déjà passé par là, ça fait du bien, ça normalise. Ça adoucit la vie un peu de voir que toutes ces paroles insupportables pour certains, peuvent simplement faire partie du deuil à traverser.‎

 

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