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À toi l’inconnue dans le métro qui n’a pas hésité à retourner sa besace en quête d’un mouchoir que tu m’as tendu pour m’aider à essuyer mon trop-plein d’émotions, je te suis reconnaissante de ton geste de compassion et de ne m’avoir ni jugée ni questionnée.

 

À toi la collègue que je connaissais si peu, mais qui m’a accueillie à mon retour au travail avec un « je suis désolée » sincère, sache que cette simple parole m’a aidée à passer à travers cette première journée que j’appréhendais tant.

 

À toi la copine qui veut nous sortir pour nous changer les idées, ou nous envoyer en voyage pour qu’on se retrouve, sache que partout où nous allons, notre bébé est dans nos pensées. À tout instant, le deuil est notre compagnon, même les pieds dans le sable d’un resort, un cocktail à la main. Parfois, on vit un bref instant de bonheur et ça nous aide à recharger un peu nos batteries en prévision d’instants plus sombres, si tant est qu’on puisse vraiment les recharger. Mais plus souvent qu’autrement, sortir ne nous tente tout simplement pas.

Quand on accepte de s’y rendre, parfois un peu à reculons, nous ne sommes pas toujours de gais pinsons. Pas que ça nous amuse de plomber l’ambiance avec notre absence de sourire, mais on n’y peut rien. Célébrer, être joyeux, alors qu’on vit quelque chose de terrible est dichotomique, absurde pour nous. Ça renforce notre impression d’être complètement déconnectés de la vie et c’est encore plus difficile. Sois conciliante avec nous. Pourquoi ne pas plutôt organiser une chaîne d’amour autour de nous en incitant le copinage à nous apporter des repas tout prêts parce qu’on manque d’énergie pour cuisiner? Ou encore nous aider dans le ménage, les tâches domestiques parce que nous avons bien du mal à les accomplir?

 

À toi le grand-parent orphelin, l’oncle ou la tante orpheline, le grand frère ou la grande sœur orpheline, prends soin de toi et n’hésite pas à vivre ta peine et à pleurer avec ton fils, ta fille, ton frère ou ta sœur ou tes parents. Toi aussi te réjouissais d’accueillir un nouvel être dans ta famille et sache que les parents orphelins te sont reconnaissants d’éprouver de la peine que cet enfant ne grandisse pas à vos côtés comme de souligner son rang dans la famille.

 

À toi le collègue croisé dans un couloir d’hôpital, parce que le hasard a fait que vos conjointes ont accouché au même endroit sensiblement en même temps, ne tourne pas les talons sans un regard, sans un mot quand on t’annonce qu’on n’a pas eu la même chance que vous. Oui, c’est déstabilisant de parler de la mort, surtout celle d’un si jeune bébé. C’est confrontant aussi alors que tu viens de vivre l’un des plus merveilleux moments de ta vie. Mais de grâce, ne fuit pas. La douleur des autres n’est pas contagieuse même si elle te met mal à l’aise. Enfin n’oublie pas que ton 15 secondes de malaise ne sont rien à côté des affres traversées par les parents orphelins. La moindre des choses que tu puisses faire, c’est te montrer empathique, humain.

Si tu ne sais pas quoi dire, contente-toi d’un « c’est moche » sincère. Si tu ne sais pas comment réagir, contente-toi d’un regard compatissant.

 

À toi la grand-mère dont la fille est rentrée à la maison les bras vides et le cœur gros, n’oublie pas qu’à moins qu’elle soit une maman solo assumée, il y a aussi un ou une conjoint(e) qui souffre autant que ta fille, et ce même s’il (si elle) n’a pas porté le bébé. Sa souffrance s’exprime peut-être de façon différente que celle de ta fille, mais elle n’en est pas moins réelle. Il ou elle mérite qu’on lui reconnaisse le droit d’avoir de la peine autant que de bénéficier d’empathie.

 

À toi l’infirmière qui m’assure que « cette fois, ça va bien aller » quand je reviens consulter pour ma grossesse espoir, aussi sympathique que le message puisse être, c’est vide de sens. Tu n’en sais rien, moi non plus d’ailleurs. Et si tu ne peux pas me le garantir, souhaite-moi plutôt une belle grossesse, un beau bébé. Dis-moi que l’équipe et toi êtes à mes côtés tout au long du chemin. Je n’en demande pas plus.

 

À toi le fier papa dont la conjointe vient de donner naissance  à votre deuxième, qui se félicite que vous ayez opté pour un accouchement naturel et qui en vante les mérites. Ta blonde est peut-être une warrior comme tu la décris avec tout l’amour que tu lui portes et l’admiration que tu lui voues pour être passée à travers un accouchement de 3 h 45 autrement accompagnée de votre accompagnante et de toi. J’aimerais que tu prennes en considération que la pratique de l’obstétrique est une boîte de Pandore, qu’on sait parfois comment ça commence, rarement quand et comment ça finira. Certaines conditions préexistantes rendent impossibles l’accès à une conception plus naturelle et plus humaine de la naissance. Certaines complications en cours de parcours te font passer en l’espace d’à peine deux minutes, d’une chambre calme à un bloc froid, rempli de professionnels qui hurlent aux autres de se dépêcher. Vivre une naissance éclair dans le calme et le bonheur de l’accueil du nouveau venu n’est pas donné à tout le monde et même lorsque cela est possible, ça ne garantit en rien que vous repartirez avec un bébé tout rose, le cœur plein d’amour.

Tu as eu de la chance. Vous avez eu de la chance. Accoucher rapidement et naturellement quand tout se passe bien, c’est génial et oui, c’est une belle prouesse physique. Mais garde-toi une petite gêne quand tu exposes ta fierté de conjoint sur les réseaux sociaux par égard pour ceux pour qui le destin en a décidé autrement et qui reçoivent ton message d’exultation comme une gifle. Et surtout, n’oublie pas qu’on n’en est pas moins parents quand l’accouchement a tourné au cauchemar, qu’on s’est retrouvés au bloc opératoire ou que bébé n’est pas rentré à la maison. Sois reconnaissant que le sort vous ait privilégiés et aie une douce pensée pour ceux qui ont tiré un moins bon ticket à la loterie obstétricale.

 

À toi l’amie qui a pleuré à chaudes larmes quand je lui annoncé le décès de mon bébé, qui m’a écoutée raconter inlassablement notre histoire parce que tout ce qu’il me restait pour affirmer qu’il avait bien existé, c’était les mots, je te dis merci pour ton soutien bienveillant. Je te suis reconnaissante de l’appeler par son nom, de souligner encore 9 ans plus  tard avec amour sa présence, sa date anniversaire.

 

À toi le grand-papa un peu bourru qui a bien du mal à laisser tes émotions s’exprimer. J’ai envie de te dire que ce qu’on garde contenu à l’intérieur est plus difficile que ce qu’on laisse sortir. Et si les émotions des autres t’incommodent, n’oublie pas que nous vivons tous les choses à notre façon, qu’il n’y a pas de bonne ou de mauvaise façon de vivre son deuil et qu’il n’existe pas non plus une méthode universellement  infaillible pour passer à travers. À défaut de comprendre, accepte. Montre-toi présent même si les événements bouleversent ta routine ou tes plans et n’essaie pas de réparer ce qui n’est pas réparable. Écoute, et écoute encore, même si tu as l’impression que les parents font du surplace. Ils cheminent sans que tu t’en rendes compte. Ne prends pas les décisions à leur place même s’ils ont l’air un peu perdus. Aime-les, comme ils sont.

 

À toi l’amie qui a donné naissance prématurément à ton fils alors que je venais de perdre ma fille, je te remercie d’avoir compris que j’aie besoin de mettre une distance entre nous, le temps de guérir. Tu vivais des choses difficiles mais tu as accueilli ma peine avec compassion. Et c’est grâce à cela que ta famille et toi tenez toujours une place particulière dans mon cœur. Je suis chanceuse de te savoir encore à mes côtés, maintenant que j’ai fait la paix avec la vie.

 

À toi la tante éloignée qui trouve qu’on met trop de temps à s’en remettre, sache qu’on ne s’en remet jamais. On est en train d’apprendre à vivre dans une réalité qu’on imaginait très différente et qu’on ne reconnaît plus. Ce processus est difficile et énergivore. Il nous épuise. Nous aimerions beaucoup pouvoir l’accélérer mais ça ne marche pas comme ça. C’est pas non plus comme si on ne faisait pas d’efforts pour ne pas se noyer dans notre peine. Et ce n’est pas comme si perdre un enfant n’était rien de plus qu’une pichenette. Merci de respecter notre peine car elle est légitime. On doit vivre ce qu’on a à vivre, à notre rythme. C’est comme ça. Merci de respecter cela aussi.

 

À toi la cousine qui se plaint sur Facebook de ses maux de grossesse, de ses nuits au sommeil haché par un bébé qui fait ses dents, de la difficulté d’allaiter, sache que beaucoup de parents orphelins paieraient cher pour être à ta place, foi de maman doublement orpheline. Ce que tu vis est difficile mais temporaire, foi de maman de préado. Que les nuits d’un parent orphelin sont souvent aussi mauvaises que les tiennes, parsemées de cauchemars, mais le parent orphelin ne bénéficie pas de la satisfaction d’élever un humain en devenir pour contrecarrer sa fatigue. Plutôt que de te plaindre de ta situation, tourne ton propos avec humour, les parents orphelins te seront reconnaissants d’avoir pensé à les ménager dans ton besoin d’épancher ton trop-plein.

 

À toi la nullipare, ne crains pas de rencontrer des mamans orphelines. Le malheur n’est pas un virus et ne te contaminera pas. Sache aussi que faire comme si le décès périnatal n’existait pas ne t’en prémunira malheureusement pas. Aussi bien composer avec. N’oublie pas que le vécu des autres ne t’appartient pas et qu’entendre des histoires qui ne finissent pas toujours bien ne doit pas te faire peur. Ce qui arrive aux autres est leur vécu. Ni plus ni moins. Prends leur récit pour ce qu’il est, un récit. Par contre,  lorsque tu écoutes en y apportant une juste attention, tu fais non seulement preuve d’empathie, mais tu acceptes d’honorer la mémoire d’un enfant. Nous, mamans orphelines, t’en sommes reconnaissantes.

 

À toi le directeur des ressources humaines, quand un événement aussi tragique survient dans une équipe, de grâce, ne le passe pas sous silence. Ce bébé était aimé et de ce fait, il a autant droit à un avis mortuaire que le papa ou le frère de n’importe quel autre employé(e). Si ton entreprise participe à un programme d’aide aux employés, renseigne-toi sur les services qui sont offerts en matière de soutien au deuil autant pour les employés que pour leur famille et transmets-les à l’employé(e) en même temps qu’un bref message de condoléances ou de sympathie. Tu peux aussi consulter Parents Orphelins pour adopter de meilleures pratiques au regard de la sensibilisation au deuil périnatal.

Assure-toi de bien connaître les dispositions légales en matière de RQAP autant que celles relatives à un congé de deuil. Sont-elles cumulatives? Alors informe l’employé(e) et envoie-lui une confirmation par écrit, parce qu’il se peut fort bien qu’il (elle) ait eu du mal à assimiler autant d’informations. Si l’employé(e) n’est pas la parturiente, même si le RQAP laisse le conjoint (la conjointe) plutôt démuni(e), regarde de quelle façon tu pourrais lui accorder du temps sans le (la) pénaliser. Pourquoi ne pas lui proposer un retour progressif au travail, par exemple? N’oublie pas qu’un(e) employé(e) n’est pas juste un numéro et qu’un(e) employé(e) traité(e) humainement est plus performant(e). Tout le monde a à y gagner.

Travailler en ressources humaines, c’est travailler avec des humains et il est de ton ressort de sensibiliser les équipes et les membres de supervision à faire preuve de compassion et d’empathie avec l’employé(e) qui vit une douloureuse épreuve. Même si plusieurs mois se sont écoulés depuis qu’il (elle) a perdu son bébé, pense à poursuivre la sensibilisation lors de son retour au travail.

Ce ne sont que des petits gestes, mais ils font une différence dans la vie de l’employé(e) comme de l’entreprise.

 

À toi la copine à qui j’avais accordé une place particulière dans ma vie depuis longtemps. J’étais heureuse que nous vivions nos grossesses en même temps. Sache que je te ne pardonne pas d’avoir eu peur d’être contaminée par mon malheur, d’avoir fui la mort alors que tu t’apprêtais à célébrer la vie de nouveau, d’avoir eu peur de ma rage contre la vie et de m’avoir tourné le dos dans un des mes plus mauvais cauchemars. S’il y a une seule chose qui n’arrive jamais pour rien, c’est que c’est dans l’épreuve plus que dans les grands bonheurs qu’on reconnaît ses vrais amis. Comme on dit, sans rancune. Mais un peu quand même, non?

 

Enfin, à toi le parent orphelin dont le bonheur t’a glissé entre les doigts il y a peu, sache que le chemin du deuil de ton enfant est long, sinueux, mais garde espoir. Je te garantis qu’on réapprend à vivre pleinement et à aimer la vie. Et parfois, encore plus intensément qu’avant parce qu’on sait combien la vie est précieuse, que le bonheur est fugace et qu’il faut le saisir quand il passe pour l’apprécier à sa juste valeur. Ce n’est pas qu’on oublie, mais le temps fait heureusement son œuvre. Les creux de vagues sont moins profonds et moins fréquents avec le temps qui passe.

Ne sois pas exigeant(e)avec toi. Accepte ta colère, ta peine, ton désarroi. Accepte d’être perdu, de ne plus rien comprendre parce que tu te facilites la tâche en étant indulgent(e) avec ce que tu ressens. Entoure-toi d’autres parents orphelins si cela te fait du bien parce qu’ils comprennent ce que tu vis. N’aie pas peur de leur histoire si différente de la tienne parce que cela ne signifie pas que cela pourrait t’arriver aussi si tu décides de revivre une grossesse, une naissance après la perte d’un bébé. Aie confiance en la vie. Elle ne te rendra jamais ce qu’elle t’a pris et elle sera bien différente de ce que tu avais imaginé, de ce que tu aurais souhaité, mais elle te fera vivre des émotions hautes en couleurs qui te prouveront qu’elle mérite quand même de continuer. Prends soin de toi!

Maturée aux séries télé, régulatrice de chaos, résiliente mode multimédia, philosophie Carpe Diem, Alexandrine est la maman d’une Grande-Louloute, élève de secondaire et d‘un PetitCook qui s’épanouit à l’école primaire ainsi que la maman orpheline de Largo et de Lillah, tous deux décédés en milieu de grossesse en 2008 et 2009. En plus d’écrire pour son blog personnel, de gérer les communications et les contenus diffusés pour Parents Orphelins, Alexandrine s’est récemment découvert une passion pour le street art, les enseignes de barbiers et le Tour de ville de la Ronde. Dans la vie, Alexandrine est édimestre et coordonnatrice de contenu dans une tour du centre-ville.
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