La période des Fêtes, ce temps de réjouissance où l’on se réunit en famille, où l’on prépare chaque petit détail avec soin. La magie est installée et elle enveloppe les enfants depuis un moment déjà. Maman orpheline que je suis, je prépare un quatrième Noël rempli de son absence. Je ne ferai pas plus le sapin que les trois années précédentes, comme une sorte de revendication face à la perte. Pour ma part, le temps des Fêtes est devenu un vol plané dans les abîmes de ma propre chair. Cette frénésie qui se fait sentir me déstabilise. J’ai hâte de passer du temps en famille, mais j’aimerais tant jouer à l’ermite et me réfugier dans mes souvenirs, le temps que ces festivités soient choses du passé. Tout mon être la cherche, mais ne la trouve pas.
Comme pour les Noëls précédents, nous irons à la librairie dénicher un joli conte de Noël spécialement choisi pour elle. Nous le dédicacerons en prenant soin d’y inscrire l’année. Nous le placerons dans sa bibliothèque. Notre shopping du temps des fêtes sera alors terminé pour notre fille. Point. Un seul petit présent pour un enfant absent. Cette tradition installée pour marquer le temps qui passe, pour laisser une empreinte, une fois par année, de sa vie passée trop vite. Mais aussi pour que nos cœurs de parents puissent prendre un moment pour elle, et poser ainsi un geste concret, une délicate attention, juste pour notre fille. Et puis, nous irons déposer un lutin dans son columbarium, question de mettre une poussière de magie dans cette case qui représente sa vie parmi nous.
Un quatrième Noël à réveillonner avec son lampion et l’urne sur la table. Je peine à mettre des mots sur les sentiments qui m’envahissent. Tous réunis, en famille, avec les enfants qui contiennent difficilement leur fébrilité face aux cadeaux qui se trouvent sous le sapin. Nous, c’est le vide. Je donnerais tout pour voir la magie de cet instant dans les yeux brillants de ma fille. Je crois que le temps qui passe adoucit certaines émotions, certes. Mais lors d’occasions comme celle-ci, le gouffre dans mon cœur est béant. Nous ne sommes que deux alors que nous étions trois.
Nos sourires cachent la peine, nos yeux brillants cachent les larmes qui voudraient se faufiler. Au lieu de fêter Noël et le jour de l’An avec elle, nous fêterons avec un trou béant dans le cœur, une boule immense dans la poitrine et des entrailles en feu. Par respect pour les autres, par respect pour nos sentiments partagés, nous ne parlerons pas de ce que nous ressentons réellement. Nous ne nous ferons point poser la question directement, gardant dans l’ombre cette réalité. Comme si le fait d’en parler ouvrait une plaie si profonde qu’elle ne saurait guérir. Seul mon conjoint et moi sommes en mesure de saisir ce que représente un temps des Fêtes vide de son existence.
En somme, il s’agit simplement de se donner de la douceur et du temps. Il faut être patient, car apprendre à s’accueillir demande du temps et des efforts. Malgré le deuil que nous portons, nous avons nous aussi, le droit d’être des personnes heureuses et accomplies.
Josée Drapeau est devenue la maman d’une princesse des étoiles de 17 mois en février 2013. C’est grâce à sa plume remplie d’amour et de passion qu’elle a su traverser la douloureuse épreuve de la perte de sa fille. Éducatrice à la petite enfance et responsable d’un service de garde en milieu familial, Josée est une fille passionnée qui mord dans la vie. Elle se laisse guider par l’amour pour sa fille et portée dans ses projets par l’amour de son mari. Josée est de plus l’auteure du livre Naéva, ma princesse, mon ange qui témoigne de l’inexplicable, de la vie et de la mort qui cohabite, du deuil et de l’espoir qui s’unissent (Éditions de la Francophonie).