Une des choses que j’ai mis plusieurs mois à faire et à comprendre, c’est de m’accueillir. Encore aujourd’hui, 5 ans plus tard, j’ai de la difficulté à me respecter face à ce que je vis et face à ce que j’éprouve comme sentiment. Souvent, je demeure incapable de mettre des mots sur ce que je ressens. Parfois, il me prend du temps à réaliser que ce que je vis est attribuable au poids de ma perte ainsi qu’à mes valeurs qui ont été bousculées, comme à mes sentiments confus, également.
S’accueillir, oui, c’est un pas vers la sérénité qui peut entourer le deuil. C’est venir envelopper notre peine d’un coton soyeux. Mais pour un parent orphelin, s’accueillir ça veut dire quoi?
Je crois, tout d’abord, qu’il s’agit de respecter notre besoin de vivre nos émotions, nos joies, nos peines comme nos frustrations. D’apprendre à les reconnaître et à leur donner de l’importance lorsqu’elles surviennent. Les accepter quand elles font surface. J’ai souvent balayé mes peines en ne voulant pas causer de malaises autour de moi. Mais je me suis rendue compte que, sans le vouloir, je m’oubliais. J’ai de plus, au fil du temps, appris que ce que je ressens m’est propre et que je ne suis pas responsable des sentiments des autres. Je me suis trop souvent sentie coupable et j’ai à maintes reprises, pour protéger les autres, changé de sujet ou répondu à une question à la hâte, espérant ainsi épargner le cœur de mon interlocuteur. Maintenant, je m’accueille. C’est simple et savoureux, comme si en tant que parents orphelins, nous sommes coupables de vivre toutes les émotions appartenant au bonheur.
Pour répondre à mon besoin de vivre mes frustrations, je me suis fait une jolie boîte que j’ai nommé « la boîte à caca » . J’écris mes colères et mes déceptions sur un bout de papier que j’y glisse. Cela me permet de voir plus clair, de faire le vide de ces émotions qui me polluent le cœur. Je veux garder une place intacte pour mes souvenirs et mes joies, alors j’expulse sainement ce qui est négatif. S’accueillir, c’est aussi faire le ménage et reconnaître que certaines émotions ne doivent pas être gardées, sinon, au fils du temps, elles enveniment notre quotidien.
Une personne m’a un jour conseillé d’être un bon parent pour soi-même. C’est aussi ça s’accueillir. Se parler avec douceur et calme. Être un parent pour l’enfant meurtri en nous. Je m’efforce d’être un bon parent pour moi-même et je me parle comme si je parlais à ma fille, avec respect, douceur, tendresse et amour.
J’ai encore tendance à m’imposer la même limite qu’avant, oubliant que je suis fragilisée depuis son départ. C’est un fait, nos balises ne seront plus les mêmes et c’est à nous de les redéfinir et de veiller à les respecter. J’ai tendance à prendre une charge de travail trop grande sur mes épaules. Mon anxiété a la mèche courte. Je ne sais pas si je l’accepte encore à 100 % mais je m’efforce de mieux me comprendre. Je m’alloue du temps pour me reposer et refaire le plein. J’apprends à dire non, j’apprends à me recueillir. J’apprends donc à m’accueillir.
S’accueillir c’est chercher à se comprendre. C’est un travail d’introspection de dur labeur, j’en conviens. Je crois que la vraie force de cet amour qui nous a unit à notre petit ange, c’est d’être capable de puiser en soi pour aller de l’avant. C’est déployer nos ailes d’ange en quelque sorte. C’est voler vers l’acceptation, avec la résilience que cette grande perte nous a laissé en héritage.
En somme, il s’agit simplement de se donner de la douceur et du temps. Il faut être patient, car apprendre à s’accueillir demande du temps et des efforts. Malgré le deuil que nous portons, nous avons nous aussi, le droit d’être des personnes heureuses et accomplies.