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Au décès de Liam, les gens, mes proches, se sont empressés d’essayer d’effacer ma douleur. De la contrôler, de l’ignorer ou de de faire sorte que je la refoule. Mais ma douleur, c’est ce qui me restait de lui, qui me retenait à lui, qui me rapprochait de lui. Mon deuil, c’était le seul lien tangible entre son existence et la mienne, la seule trace de son passage dans ma vie. J’aurais eu l’impression de le renier si j’avais eu à me départir de cette douleur, de le voir partir une seconde fois. Je ne pouvais pas m’y résoudre.

 

Ma douleur, je voulais la cristalliser pour que mon bébé continue d’exister.

 

Parfois, j’aimerais m’adresser à ceux qui m’entouraient à l’époque, qui faisaient partie de ma vie lorsque le drame est survenu. Ceux que j’ai fui depuis parce que nous ne nous comprenions plus et à qui je n’ai rien expliqué parce qu’ils ne m’écoutaient plus, parce qu’ils étaient déjà tellement prêts à tourner la page.

 

Si je le pouvais, aujourd’hui je leur dirais : « Vous savez, mon enfant était fait de chair et de sang.  Il était là, à l’intérieur de moi. Vous ne l’avez pas vu, ni touché, mais vu vous l’avez senti au travers de mon ventre. À sa mort, mon amour est devenu orphelin. ». Voilà ce que je leur dirais, à mes amis d’alors, à ceux que ma peine dérangeait.

 

Bien sûr, sur le coup je leur en ai un peu voulu. Ma vie venait littéralement d’exploser et eux me parlaient déjà de la reconstruire. C’est vrai que je n’étais plus la même. C’est vrai qu’ils avaient le droit de s’ennuyer ou de regretter celle qu’ils avaient connue.

 

J’étais devenue une espèce de robot à peine fonctionnel. Je ne voulais pas forcément perdre mes amis, ni les chasser de ma vie, mais les voir me rappelait à chaque fois combien je me sentais, hélas, loin de tout. Inutile. Pathétique.

 

À cette période de ma vie, les réseaux sociaux ne m’intéressaient pas, j’en ignorais encore toute la portée. Je me suis donc isolée et j’ai trouvé ma propre façon de traverser la tempête émotionnelle qui me ravageait Seulement voilà, pour repartir à neuf, j’ai eu besoin de maintenir cette distance avec mon ancienne vie. J’avais trop peur de décevoir à nouveau. Trop peur de faiblir, de douter. Je manquais tout à coup d’assurance. J’avais besoin de recommencer ailleurs, autrement. Et seule.  Pas pour toujours, mais au moins le temps d’y voir un peu plus clair.

 

Nonobstant mon histoire, ces derniers mois, je me suis plongée dans les témoignages de parents orphelins. À travers vos mots, j’ai revécu une grande partie de mon patchwork émotif de l’époque. J’ai senti de nouveau le petit corps de mon bébé bouger en moi. Je lui ai redessiné un visage.  Grâce aux beaux partages que j’ai lus, parfois si poignants que j’en éprouve encore des frissons, j’ai retrouvé ma force. La détermination qui m’avait autrefois permis de passer à travers ce drame qui m’a détruite, qui a anéanti ma joie de vivre. J’ai dû me reconstruire à travers ce drame et aujourd’hui, un peu grâce à vous, j’apprends à grandir.

 

Je salue votre courage, chers parents orphelins, d’avoir osé lever le voile sur un sujet aussi tabou, aussi intime, que celui du deuil périnatal. Avoir osé partager à brûle pourpoint, avec vos tripes, de si violentes émotions. Vos histoires sont tragiques, tellement bouleversantes, qu’il n’existait de mots assez forts pour les décrire.  Pourtant, ces mots, vous les avez trouvés, et vous nous les avez livrés avec une merveilleuse authenticité.

 

Merci!