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J’aurais aimé pouvoir vous dire que les bébés espoir ne meurent pas et que la vie, dans un sens inégalé de la justice, ne peut frapper deux fois au même endroit. Ma seconde fille était sans aucun doute promise à un destin extraordinaire au simple motif de son statut de bébé espoir. Mais la vie n’est pas juste. Elle donne et reprend sans tenir de registre. Et oui, parfois, elle semble prendre un malin plaisir à s’acharner à taper sur les mêmes bons jacks. Mais c’est tout aussi prétentieux que de lui prêter autant d’intentions. En fait, je crois bien qu’elle n’a aucune mémoire et que c’est pour cela qu’il est vain de chercher un pourquoi à ce qui nous tombe dessus.

 

J’aurais aimé pouvoir vous dire que j’ai choisis de vivre et que cela fait de moi un être extraordinairement optimiste.

Vous savez quoi? De mon point de vue, la réalité est tout autre. Le chemin du deuil périnatal est le plus dur, le plus étouffant, le plus lourd qui soit. Alors, je n’ai pas choisis de vivre, j’ai eu un réflexe égoïste de survie, celui de m’étourdir et de m’enivrer de vie parce que c’était moins inconfortable que la progression du deuil. Et j’ai une confession à vous faire : je suis toujours accro à cette sensation grisante de cette urgence de vivre et cela me donne plus de points communs avec une droguée qu’avec une éternelle optimiste.

 

J’aurais aimé pouvoir vous dire que j’ai eu le courage de continuer à vivre et que cela fait de moi une battante. Je n’ai rien d’une mère courage et des années plus tard, ça m’agace toujours qu’on m’attribue ce qualificatif. Je n’ai pas choisis de m’infliger la montée de l’Everest, j’ai subis ce qui nous est tombé dessus. Je n’ai donc aucun courage. Ne pas sombrer était un ultime soubresaut de lâcheté juste parce que me laisser sombrer me demandait plus d’énergie et d’effort. Ce qui fait que ne suis pas une battante. Je suis une survivante.

 

J’aurais aimé pouvoir vous dire que la fête des mères représente la plus grande injustice qui soit puisqu’en plus du rappel de l’absence de deux à ma tablée, cette journée a aussi marqué le 7e anniversaire de l’annonce de la terrible nouvelle : Béb’Espoir ne grandira pas de la façon que nous l’avions imaginé. Qu’à défaut de voir son corps pousser au fur et à mesure que ses pyjamas rapetisseraient, seul mon amour pour elle allait s’épanouir de façon exponentielle. Comme cela aurait été simple de vous dire que je n’aime pas la fête des mères à cause de cela. Tout comme je ne peux me résoudre à réduire la journée de sa naissance à la simple expression de l’injustice, à réduire la mémoire de Béb’Espoir à une triste suite d’événements. En réalité, c’est plus complexe, c’est plus ambivalent que cela. La journée de sa naissance qui, je le savais, se déroulerait dans un calme assourdissant, reste l’une des plus belles journées que j’ai eu la chance de vivre. À défaut de l’entendre crier la vie, je m’étais préparée à l’accueillir avec tout l’amour que je lui portais déjà. En échange, elle m’a aussi offert l’accouchement le plus doux qui soit, si bien que je souris sur les photos alors que je tenais dans mes bras son petit corps sans vie, tant j’étais heureuse de faire sa connaissance, et ce, même si  ce n’était pas dans les circonstances que j’aurais aimées.

 

J’aurais aimé pouvoir vous dire que le deuil périnatal m’a changée à jamais, qu’il m’a donné la patience que je n’avais jamais eu avant, qu’il m’a rendue infiniment bonne, compréhensive et juste. Eh bien non! Une fois estompée la torpeur du deuil, je suis redevenue la même râleuse qu’avant, la même tannante busy bee. La seule chose que je peux vous concéder à ce jeu là, c’est que le deuil périnatal m’a permis d’exacerber une qualité que je maîtrisais déjà et dans laquelle j’excelle maintenant : la résilience. Mais soyons honnête, si vous me dites qu’il y a toujours un mal pour un bien, je vous renvoie ma résilience à la tête et je l’échange contre Béb’Espoir, bien en vie cette fois. Et à la limite, si j’ai gagné quelque chose à la loterie que beaucoup me promettent encore, c’est le droit d’être ce que je suis, sans concession, sans justification, sans honte.

 

J’aurais aimé pouvoir vous dire que voir ma vie, celle de mon couple, de FilleAînée basculer pour la deuxième fois en moins d’un an m’a rendue aigrie et deeper dark. Mais il n’en est rien. J’aime encore plus rire et profiter de la vie qu’avant, peut-être justement parce que j’ai côtoyé la mort de trop près pour laisser le Midnight Rambler m’emporter sans avoir dit mon dernier mot, fait un élégant dernier tour de piste.

 

Did you hear about Midnight Rambler?

 

Savez-vous ce que je m’en vais faire à la prochaine de la fête des mères? Je m’en vais célébrer ma famille arc-en-ciel avec des lanternes chinoises avec GrandeLouloute et PetitCook et je peux vous dire qu’on a tous le cœur à la fête.
Did you hear about Midnight Rambler? The one you never seen before…

Maturée aux séries télé, régulatrice de chaos, résiliente mode multimédia, philosophie Carpe Diem, Alexandrine est la maman d’une Grande-Louloute, élève de secondaire et d‘un PetitCook qui s’épanouit à l’école primaire ainsi que la maman orpheline de Largo et de Lillah, tous deux décédés en milieu de grossesse en 2008 et 2009. En plus d’écrire pour son blog personnel, de gérer les communications et les contenus diffusés pour Parents Orphelins, Alexandrine s’est récemment découvert une passion pour le street art, les enseignes de barbiers et le Tour de ville de la Ronde. Dans la vie, Alexandrine est édimestre et coordonnatrice de contenu dans une tour du centre-ville.
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