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La question, aussi légitime soit-elle, n’a souvent pas lieu d’être posée tant une logique s’impose : on est parent quand il y a enfant. Et s’il s’avère qu’elle l’est, les réponses divergent : les papas diront «À la naissance» alors que toute maman certifiera que c’est avant, bien avant, qu’elle devient mère, quand déjà il faut faire des choix pour assurer un bon départ à ce petit être qui se pointera le bout du nez à son heure.

À 32 ans, enceinte pour la première fois, je n’ai jamais douté de ma parentalité ; j’avais la responsabilité de m’informer, de voir à ma santé globale et au bon suivi de la grossesse. Cela dit, je ne me sentais pas mère pour autant. Pire, hantée par les statistiques sur les fausses couches, j’ai beaucoup tardé avant de m’attacher à la petite fleur qui grandissait dans mon ventre. Passé l’échographie de deuxième trimestre, il m’a pourtant bien fallu fouetter mon catastrophisme et commencer à me faire à l’idée que la période critique était derrière moi, que mon conjoint et moi filions véritablement vers la date d’un heureux rendez-vous. C’était le moment tout désigné pour choisir un prénom, qui officialisait l’existence.

Avril 2011. Au lendemain de l’écho de troisième trimestre, je reçois toutefois un appel de ma gynéco, qui m’informe que de nouvelles mesures de mon bébé à naître doivent être prises. J’ignore alors que le nœud qui apparaît à ce moment dans mon estomac prendra des années à se dénouer. Le suivi dont on nous avait parlé prend à mes yeux une autre tournure quand je réalise qu’il aura lieu en génétique. Dans bien des départements de la médecine, on peut entretenir un temps l’illusion d’une intervention qui guérit ; dans celui de la génétique, on a rarement ce luxe. En quelques heures, un premier bilan de la santé du fœtus est fait, permettant aux spécialistes d’avancer les premières hypothèses. On se sait parents quand on pleure sans tarir.

Pendant les deux semaines où nous attendons les résultats de l’amniocentèse, nous nous préparerons le cœur à accueillir un enfant différent des rêves tricotés au fil des mois de la grossesse, se disant que, somme toute, quel parent n’est pas confronté un jour à cet exercice ? On en profite pour faire le bilan de nos ressources, prêts à répondre aux besoins – quels qu’ils soient ! – de notre bébé.

À plus de 35 semaines de grossesse, le diagnostic tombe finalement : anomalie chromosomique structurale. Les spécialistes tentent de prédire la portée des atteintes, de traduire le discours médical en qualité de vie, d’exposer les avenues d’un avenir amputé. Toute la diplomatie des médecins ne nous empêche pas d’encaisser le coup final : le cœur du bébé est faible et nécessitera une greffe à court terme, nouvelle cruelle quand on sait qu’un enfant porteur d’une tare génétique ne peut voir son prénom inscrit sur une liste en attente d’un donneur. En attente. On se sait parents quand le temps s’arrête mais que la douleur perdure.

L’heure n’est toutefois pas au désarroi. Des décisions doivent être prises. Chacune d’elles nous force à plonger au cœur de nos valeurs, à assumer totalement. À la veille d’être parents, nous avions dit oui à la vie sans savoir ce qu’elle exigerait de nous. Nous en avions accepté d’instinct le devoir.

Responsables du mieux-être de l’enfant. En toutes circonstances. On est parent quand on l’accepte.

À Joa-Kim (05-05-2011/05-05-2011), qui nous a confirmés dans notre rôle de parents.

Ce texte a été publié sur le site de la revue Enfants Québec en novembre 2013. C’est avec la permission de Marilou que nous le republions à travers le blogue de Parents Orphelins.
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